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Editoriaux: Commémoration en l'honneur d'Haïti (nou santim fiè)
Posté le 03 janvier 2004 à 05:16:59 CET par Phil
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Le Comité Devoir de Mémoire Martinique a organisé ce Jour de l'An 2004 une cérémonie de commémoration du bicentenaire de la naissance de la République d'Haïti, rappelant avec émotion rien moins
que la première victoire aux Antilles contre le racisme et son application internationale : le colonialisme.
Ayiti péyi kam soufri
Le 13 janvier 2003, la Députée guyanaise Christiane Taubira Delanon demande au Gouvernement français l'annulation de sa dette de décolonisation haïtienne et la réparation d'une injustice. Il y a quasiment deux siècles, au terme de l'insurrection menée par Toussaint Louverture pour libérer Haïti du joug colonialiste et pour lutter contre le rétablissement de l'esclavage décidé par Napoléon Bonaparte, l’indépendance de la République d'Haïti a été proclamée le 1er janvier 1804 par le Général en chef Dessalines aux Gonaïves.
La première République noire indépendante était née.
Cependant, une ordonnance royale imposait sous la menace à l'ancienne colonie de payer un tribut à la liberté pour dédommager les colons de leurs terres. Ce tribut, payé jusqu'au dernier sou par Haïti, représentait à l'époque six années de recettes budgétaires du jeune Etat Haïtien.
Aujourd'hui, Haïti est l'un des Etats les plus pauvres du monde avec plus d'un million d'Haïtiens vivant en exil (Haïti compte environ 8 millions d'habitants).
Non que ce tribut à la liberté en soit seul responsable, il a pourtant contribué à l'affaiblissement du jeune Etat, alors qu’au dix-huitième siècle cette colonie était l'une des plus productives du monde. Elle a donc largement travaillé et contribué à l'accumulation des capitaux français. Deux cents ans après la libération d'Haïti, Christiane Taubira Delanon demande solennellement au Premier Ministre français de procéder, au nom du Gouvernement, à l'abrogation du Traité de 1838 qui a fait appliquer le tribut de décolonisation ainsi qu’à la restitution de l'argent versé.
Le 1er Janvier 2004, Le Comité Devoir de Mémoire Martinique a organisé une manifestation symbolique en l’honneur d’Haïti à Fort-de-France sur la place de la Cathédrale de Fort-de-France à la tombée de la nuit, transmettant le message suivant.
"En ces temps troublés que connaît le pays, c’est un hommage à l’Haïti éternelle, celle qui, au delà des hommes qui ont forgé son histoire, ses espoirs et parfois son malheur, représente pour l’ensemble des hommes la lutte et la victoire pour la reconnaissance de la dignité et de l’égalité.
En ces temps troublés où sous bannière de lutte contre le terrorisme, se meurent bien des peuples oubliés parce qu’il ne représentent pas un intérêt géostratégique ou directement économique pour les puissants, mais font partie de cette « géographie du monde inutile » (Pierre Conesa) qui ne mérite ni la démocratie ni les droits de l’homme ni peut être le droit de vivre, Haïti, défie les lois du déséquilibre et lutte continûment, de toute la force de ses contradictions contre la dérive totalitaire.
Le 1er Janvier 2004, à la tombée de la nuit, éclairés de quelques flambeaux et de 200 bougies-souvenir, trois artistes, vont célébrer, avec toute leur sensibilité et tout leur talent cette rencontre avec l’Ile soeur.
- Jocelyne Béroard, Eric Virgal, interpréteront chacun une chanson.
- Josiane Antourel sur une mélodie de Toto Bissainthe, et une écriture chorégraphique de Jean François Colombo se joindra à la cérémonie.
Ensemble ils porteront toute notre émotion, et diront à l’Haïti d’Hier tout comme à celle d’aujourd’hui, qu’elle ne peut pas, qu’elle ne doit pas mourir d’indifférence. Que son peuple est pour nous symbole de l’indomptable volonté d’être, en dépit d’une situation sans cesse plus intolérable.
Que ce premier pas dans l’année 2004, où l’on évoquera toute la puissance de son passé, soit aussi les premiers pas vers une démocratie retrouvée."
L'invitation était accompagnée de ce texte de Dessalines, rappelant que cette révolution a été précedée par le sacrifice des militaires Français des Petites Antilles.
J. DESSALINES, Gouverneur-Général.
AUX HABITANTS D'HAITI.
Enfin l'heure de la vengeance a sonné, et les implacables ennemis des droits de l'homme ont subi le châtiment dû à leurs crimes.
[....] la Guadeloupe saccagée et détruite, ses ruines encore fumantes du sang des enfants, des femmes et des vieillards passés au fil de l'épée, Pélage lui-même, victime de leur astuce après avoir lâchement trahi son pays et ses frères; le brave et immortel Delgresse emporté dans les airs avec les débris de son fort, plutôt que d'accepter des fers. Guerrier magnanime !
ton noble trépas, loin d'étonner notre courage, n'a fait qu'irriter en nous la soif de te venger ou de te suivre.
(....) enfin le despotisme effroyable, précurseur de la mort, exercé à la Martinique. Infortunés Martiniquais ! que ne puis-je voler à votre secour et briser vos fers ? Hélas ! un obstacle invincible nous sépare ............. Mais peut-être une étincelle du feu qui nous embrase jaillira dans vôtre âme, peut-être, au bruit de cette commotion, réveillés en sursaut de votre léthargie, revendiquerez-vous, les armes à la main, vos droits sacrés et imprescriptibles !
Au quartier-général du Cap, 28 Avril 1804, l'an 1er de l'innépendance.
Pour copie conforme:
Le Secrétaire- général, - Juste CHANLATTE.
Extrait de: Thomas MADIOU, Histoire d' Haïti, Tome 3, édition FARDIN
Notons aussi la participation à cette commémoration du guitariste Jeff Bayard, de la chanteuse Orlane de la Réunion et du saxophoniste Luther François de la Caraïbe anglophone. Les Natty et les Guinéens étaient également présents dans l'assistance.
Des musiciens haïtiens ont interprété et improvisé un chant avec des percussions dont le refrain était "Si zot pa vlé négosié, kouman nan fè avansé ?".
Malgré les problèmes rencontrés, ils ont renouvelé devant l'assistance la conviction de leur fierté nationale : "nou santim fiè".
Devoir de Calotte Martinique
Ce devoir de mémoire peut paraître obsolète et sans signification pour les Martiniquais qui jugent préférable leur confort matériel à la situation misérable d'Haïti en proie dès sa naissance à toutes les persécutions (soutien financier des Etats-Unis aux dictatures et milices des Duvalier, embargo économique, corruption etc).
Pour les martiniquais qui tolèrent encore dans leur pays de nos jours ce vestige du racisme
et de la colonisation que constitue l'attitude des békés à l'égard du reste de la population.
Ce souvenir ne parait pas en tout cas anodin pour les Sud Africains qui ont connu l'apartheid jusque dans les années 1990 et qui envoient leur président Thabo Mbeki
pour les manifestations de commémorations en Haïti prévues cette année.
Mais un tel devoir de mémoire a le simple mérite de rappeller aux êtres inachevés que nous sommes, ni plus ni moins
les deux siècles de retard sur le plan humain que nous avons réussi à accumuler par rapport aux Haïtiens, les citoyens les plus hypocritement méprisés dans la société antillaise,
et pourtant les premiers êtres humains accomplis des Antilles.
Lire aussi dans les archives :
la crise politique haïtienne : l'OEA cherche une solution, Juillet 2002.
Sucre Amer à Gwada, Mai 2002.
Le Métis Alexandre Dumas au Panthéon
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