Il "paraît impossible" de maintenir les élections législatives au Pakistan le 8 janvier en raison des troubles provoqués par l'assassinat de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto.
Il "paraît impossible" de maintenir les élections législatives au Pakistan le 8 janvier en raison des troubles provoqués par l'assassinat de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto, a annoncé mardi la commission électorale. Ce probable report d'un mois pourrait déclencher de violentes protestations des partis souhaitant le maintien du scrutin à la date prévue.
Un responsable de la Commission électorale, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a annoncé qu'une nouvelle date avait été choisie, après consultation des partis politiques. Il a noté que le scrutin ne se tiendrait pas avant la deuxième semaine de février, mais a refusé de dire la date précise avant l'annonce officielle sur le report des législatives, prévue mercredi.
"Nous avons besoin d'au moins un mois (...) pour que les élections puissent être libres et équitables après les dégâts subis par nos bureaux dans le Sindh" dans les violences qui ont suivi l'assassinat, a-t-il ajouté.
En outre, les gouverneurs des quatre provinces du pays ont suggéré que le scrutin soit reporté après la fin du mois sacré de Muharram (qui s'achève le 8 février), craignant de ne pouvoir garantir la sécurité dans une période traditionnellement marquée par des violences entre chiites et sunnites. Muharram est un mois sensible pour les chiites, qui y commémorent le martyre de l'imam Hussein.
Ce scrutin est pourtant jugé essentiel pour ramener le Pakistan, en proie à des attaques de plus en plus nombreuses de talibans et de militants d'Al-Qaïda, sur la voie de la démocratie.
Au moins 58 personnes ont été tuées dans les violences qui ont suivi la mort de Benazir Bhutto, a annoncé un porte-parole du ministère de l'Intérieur, Javed Iqbal Cheema. Des maisons et des bâtiments gouvernementaux ont aussi été saccagés, pour des dégâts chiffrés à plusieurs dizaines de millions de dollars. Le calme est cependant revenu depuis dimanche, grâce notamment à une forte présence de l'armée et de la police.
La province natale de l'ancien Premier ministre, le Sindh, a été la plus touchée. "Nous sommes dans une situation délicate", a dit le porte-parole de la commission électorale Kanwar Dilshad, ajoutant que maintenir les élections le 8 janvier "paraît impossible".
L'opposition, dont le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Mme Bhutto, réclame le maintien des législatives, tout comme l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif qui a menacé de nouvelles manifestations si le vote était repoussé. "Nous n'accepterons pas ce report", confiait-il lundi à l'Associated Press.
Le parti de Benazir Bhutto a accusé Pervez Musharraf de vouloir reporter le scrutin pour que la colère de l'opinion publique, provoquée par la mort de l'ex-Premier ministre, puisse s'apaiser. "Il y a eu des élections dans des zones de conflit comme l'Irak et l'Afghanistan. Je trouve donc difficile de comprendre pourquoi cette élection ne peut pas avoir lieu comme prévu", a déclaré Sherry Rahman, porte-parole du PPP
Parallèlement, des responsables américains ont fait savoir que Washington avait informé Benazir Bhutto de fortes menaces d'assassinat contre sa personne par des extrémistes islamistes.
Dans un communiqué, le gouvernement pakistanais -qui a rejeté toute implication dans la mort de l'ancien chef de gouvernement- s'est dit "déterminé à procéder à une enquête approfondie et transparente", affirmant qu'il "n'hésitera pas à recevoir de l'aide de l'étranger, si nécessaire".
Le gouvernement a aussi offert, par l'intermédiaire d'annonces dans les journaux, une récompense de dix millions de roupies (111.000 euros) pour obtenir des informations sur son ou ses assassins.
Par ailleurs, un proche de Mme Bhutto, le sénateur Latif Khosa, a affirmé que le jour où elle a été tuée, elle avait prévu de donner à deux parlementaires américains un dossier accusant le régime en place et les services secrets pakistanais de vouloir truquer les élections.
Toujours mardi, le fils de Benazir Bhutto, 19 ans, a quitté le Pakistan après avoir assisté à ses funérailles et avoir succédé symboliquement dimanche à sa mère à la présidence du PPP, selon les autorités. Bilawal Zardari, qui est étudiant, est parti pour Dubaï, avec ses deux soeurs, sur un vol commercial. La direction effective du PPP revient au veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari.
Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner était par ailleurs attendu dans la soirée au Pakistan. Il doit rencontrer des membres de la communauté française et avoir des entretiens politiques avec des dirigeants pakistanais, a-t-on appris auprès du Quai d'Orsay. Il doit rester au moins deux jours sur place. |