Les principales réactions politiques à la composition du gouvernement de François Fillon, premier gouvernement paritaire en France, avec le French Doctor Bernard Kouchner exclu, pour la peine, du parti socialiste.
Réactions au gouvernement de François Fillon- "C'est le retour du RPR", a réagi le porte-parole du Parti socialiste Julien Dray, estimant que le gouvernement Fillon est "un gouvernement cosmétique" destiné à faire gagner les élections législatives à la droite. "Quand on regarde la composition globale du gouvernement, c'est quand même beaucoup de personnalités du RPR", a déclaré le député de l'Essonne sur France-Info. - Dressant un parallèle avec le festival de Cannes, le député socialiste Claude Bartolone a dit craindre que "le rêve" du gouvernement Fillon "se transforme vite en film d'épouvante économique et sociale". "C'est comme au cinéma, quelle que soit la qualité de la bande-annonce, quelle que soit l'annonce qui nous est faite sur les acteurs, rien ne garantit la qualité de ce qui va suivre", a estimé le député de Seine-Saint-Denis sur RTL. - Bernard Kouchner n'est plus membre du Parti socialiste après son entrée au gouvernement comme ministre des Affaires étrangères, a expliqué le porte-parole du PS Benoît Hamon. "Le fait qu'il entre dans le gouvernement Sarkozy l'exclut de fait du Parti socialiste", a déclaré M. Hamon. "Il s'est exclu lui-même. Il rejoint un gouvernement de droite, le gouvernement qu'on combat et le candidat qu'on a combattu. Il n'a plus rien à faire à l'intérieur de notre parti". - Faouzi Lamdaoui, secrétaire national à l'Egalité et au Partenariat équitable du PS, a affirmé que son parti partageait "l'indignation des huit historiens et démographes qui ont démissionné des instances officielles de la Cité nationale pour l'histoire de l'immigration" afin de "protester contre la création d'un ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale". "La création de ce ministère dégage des relents scandaleux de racisme et de xénophobie", a-t-il déclaré dans un communiqué. - Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a estimé que la création du ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement représentait "une provocation intolérable pour la République". "Rendons illégitime le nouveau ministère de la désintégration des droits et libertés fondamentales des immigrés", lance le MRAP, en le qualifiant de "ministère de la honte". - "C'est un gouvernement-vitrine avant les législatives", a affirmé Noël Mamère. "Ce n'est pas un gouvernement de la rupture, c'est un gouvernement de la continuité. Vous avez parmi les ministres les plus importants tous ceux qui ont déjà participé aux gouvernements de Villepin et de Raffarin", a déclaré le maire Vert de Bègles (Gironde) sur France-Info. - Jean-Marie Le Pen a réagi à la nomination de François Fillon comme Premier ministre en estimant qu'il s'agit "d'un élément parmi d'autres de la volonté de Nicolas Sarkozy d'être un président 'à l'américaine'". Le nouveau gouvernement est, selon le Front national, "l'exécutif d'un conseil régional européen". "Terne et dépourvu de charisme, François Fillon n'est que l'ombre de Nicolas Sarkozy, comme on l'a vu ces derniers jours, à ses côtés mais toujours un pas derrière lui. Mais "le clou du spectacle est Bernard Kouchner, soixante-huitard emblématique, icône de la pensée unique" qui "symbolise à lui seul ce que fustigeait Nicolas Sarkozy pendant sa campagne". - Le Parti communiste juge "choquante" la présence de personnalités du Parti socialiste au sein d'un gouvernement Fillon "directement composé par le nouveau président de la République qui entend exercer les pleins pouvoirs". Pour le PCF, les "ralliements" de personnalités du centre et de la gauche "se font au service du programme du candidat de l'UMP et ne marquent "en rien un infléchissement de l'orientation politique de la droite". - La composition du gouvernement Fillon est de "la poudre aux yeux médiatique", a estimé Alain Krivine, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire. "Au-delà de la poudre aux yeux médiatique avec tous ces ralliements qui sont annoncés, ce qui domine c'est qu'on a une équipe de gens qui sont corps et âme dévoués à Sarkozy pour mener une politique réactionnaire", a déclaré M. Krivine sur France-Info. "Il faut s'attendre maintenant à des attaques sociales extrêmement violentes". - Olivier Besancenot, candidat de la LCR à l'élection présidentielle, a affirmé que "l'ordre moral et sécuritaire est au pouvoir avec par exemple la présence de Christine Boutin au logement et à la ville, ennemie acharnée du droit à l'avortement, ou la création du ministère de l'Identité nationale". - Luc Chatel, porte-parole de l'UMP, a estimé que ce "gouvernement resserré", "jeune, respectant la parité", exprimait "toute la volonté du président de la République d'engager les réformes promises". - L'AVVEC (Association Vivre et vieillir ensemble en citoyens) a déploré qu'aucun Ministre n'ait en charge les personnes âgées et les personnes handicapées. "Alors qu'Hubert Falco puis Philippe Bas étaient ministres dans les deux précédents gouvernements, AVVEC considère ce recul comme une erreur à corriger très rapidement", souligne l'association dans un communiqué. AP François Fillon dirigera le premier gouvernement paritaire
Comme promis, Nicolas Sarkozy s'est efforcé de constituer un gouvernement paritaire. En tout cas au niveau des quinze ministres de plein exercice, avec huit hommes et sept femmes, les quatre secrétaires d'Etat nommés vendredi étant tous des hommes.
C'est de loin le gouvernement qui fait la plus grande place aux femmes: le gouvernement sortant de Dominique de Villepin ne comptait que cinq femmes sur une trentaine de membres et la douzaine de "Jupettes" choisies en 1995 par Alain Juppé avaient une trentaine de collègues masculins. Cantonnées pour la plupart à des postes de ministres déléguées ou de secrétaires d'Etat, elles avaient fait les frais du premier remaniement ministériel. "La parité, ce n'est pas une question de nombre simplement, c'est une question de responsabilités qu'on donne", a commenté le président Sarkozy. Dans le premier ministère de son quinquennat, les femmes occupent des postes clé: Michèle Alliot-Marie arrive à l'Intérieur et ministre de l'Outremer et des collectivités locales, Rachida Dati sera chargée de la Justice et Christine Lagarde aura la charge du ministère de l'Agriculture. "Le président de la République n'a pas cédé et contrairement à ceux qui disaient qu'il avait du mal à trouver des femmes compétentes, il parvient à la parité, je suis extrêmement satisfaite", a réagi Marie-Jo Zimmermann, la présidente (UMP) de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes. Pour elle, "les gens qui ont été nommés sont des gens qui tiennent la route, des pros avec une capacité de travail extraordinaire". "C'est un signal très positif" qui pourrait avoir des effets positif sur la situation des femmes dans toute la société, a-t-elle salué, jointe au téléphone par l'Associated Press. Emmanuelle Messean, la présidente de l'association féministe les "chiennes de garde", a salué "un signe" très positif, en particulier en raison de la venue de deux femmes à des ministères régaliens. "On espère que ces signes de communication seront suivis d'effet", a-t-elle cependant ajouté, notant que, pour l'heure, aucun ministre n'avait été chargé spécifiquement de la parité ou de la situation des femmes comme c'était le cas de Catherine Vautrin, ministre déléguée à la parité de l'équipe sortante. Le Premier ministre a envoyé un second signe en direction des femmes: son premier déplacement a été pour un foyer d'hébergement d'urgence réservé aux mères en difficultés. "Les violences faites aux femmes (et) aux enfants constituent la chose la plus inacceptable qui soit", a-t-il déclaré. Il a aussi rappelé que le gouvernement doit organiser la mise en oeuvre d'un droit opposable pour permettre aux familles de faire garder les enfants, alors que les problèmes de garde sont souvent cités parmi les préoccupations des associations féministes. Au cours de la campagne, Nicolas Sarkozy a notamment promis de parvenir en deux ans à l'égalité salariale et professionnelle "totale" entre les femmes et les hommes. Il doit organiser dès septembre une conférence avec les partenaires sociaux portant sur ce sujet. AP Une architecture ministérielle renouvelée Nicolas Sarkozy l'avait promis. Illustration de la "rupture" voulue par le nouveau président, le gouvernement Fillon présente une architecture largement renouvelée, avec un redécoupage du périmètre des ministères. "Je veux changer les pratiques, les mentalités et gouverner autrement autour de trois principes: la transparence, la culture du résultat, la concertation", déclarait le candidat Sarkozy en présentant son projet le 2 avril dernier. La modification des attributions des ministères, justifiée officiellement par la volonté d'une meilleure efficacité dans les politiques publiques, fait partie de cette stratégie. Le premier changement de taille par rapport aux gouvernements précédents est la création du grand ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables confié à Alain Juppé. Promis à Nicolas Hulot, qui réclamait un vice-Premier ministre chargé de l'environnement pour mettre le développement durable au centre des politiques publiques, ce ministère, a précisé vendredi M. Juppé, comprendra quatre pôles: transports; habitat, aménagement urbain et aménagement du territoire; politique énergétique et écologie. Des dossiers éclatés jusque-là entre les ministères des Transports, de l'Intérieur, de l'Economie et de l'Ecologie. Lui aussi créé de toutes pièces, le ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, qui avait fait couler beaucoup d'encre pendant la campagne, reprend des attributions éparpillées jusqu'à maintenant entre la place Beauvau, le Quai d'Orsay et le ministère des Affaires sociales. Privée d'une partie des anciennes attributions du ministère de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie a récupéré la tutelle de l'Outre-mer. A l'inverse, les services de Bercy seront éclatés entre plusieurs ministères, conformément à une autre promesse de M. Sarkozy. Un ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi a été créé pour Jean-Louis Borloo sur le modèle du Miti japonais. Objectif: mettre l'économie au service de l'emploi. Jean-Louis Borloo devra cependant partager la lutte contre le chômage avec Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité. Mais le numéro trois du gouvernement n'aura pas la tutelle des services du Budget. Un nouveau ministère du Budget et des Comptes publics a été confié au trésorier de l'UMP Eric Woerth, chargé de tenir les engagements du candidat sur la réduction de la dette. La Fonction publique sera adjointe à ce ministère. Ce dernier regroupement suscite déjà les craintes des syndicats, alors que Nicolas Sarkozy s'est engagé durant la campagne à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. "Le fait que le ministre chargé de la Fonction publique soit chargé aussi des comptes publics risque de pousser vers une logique purement comptable. Nous serons très vigilants dans ce domaine", a prévenu le secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU, premier syndicat de la Fonction publique d'Etat, et de l'Education) Gérard Aschieri. Il faudra toutefois attendre la publication dans les prochains jours des traditionnels décrets d'attribution, qui précisent les compétences de chaque ministre, pour mesurer la portée de ces changements. Nicolas Sarkozy avait souhaité pendant la campagne que cette nouvelle architecture soit gravée dans le marbre par une loi organique. Reste à savoir s'il tiendra cette promesse, comme les autres. Sarkozy a tenu partiellement sa promesse d'ouvertureNicolas Sarkozy avait promis d'aller "très loin" dans l'ouverture vers la gauche et les centristes. Avec trois ministres et secrétaires d'Etat classés à gauche pour un seul venu de l'UDF, le nouveau président n'a tenu qu'en partie cet engagement dans son premier gouvernement constitué vendredi.
Mais l'objectif principal, déstabiliser le PS et l'UDF avant les législatives des 10 et 17 juin et priver l'opposition de l'argument sur le "sectarisme" supposé de M. Sarkozy, semble déjà atteint. "J'ai voulu ce rassemblement, j'ai voulu cette ouverture, je sais bien que ça peut provoquer des questions ou des problèmes, mais mon devoir c'est de rassembler les Français, ce n'est pas de les diviser", a déclaré M. Sarkozy en marge de son déplacement sur Airbus à Toulouse. "Tout le monde parlait de l'ouverture depuis très longtemps, on l'a faite", a fanfaronné de son côté le Premier ministre François Fillon.
Le symbole de cette ouverture est Bernard Kouchner. En le bombardant au Quai d'Orsay, Nicolas Sarkozy offre au plus populaire des "french doctors" les galons dont il rêvait et que le PS lui a toujours refusés. Autre symbole, le transfuge Eric Besson se voit récompensé de sa démission fracassante du PS pendant la campagne par le poste de secrétaire d'Etat chargé de la Prospective.
La troisième "prise de guerre" de Nicolas Sarkozy s'appelle Jean-Pierre Jouyet. Ce haut fonctionnaire classé à gauche, intime de François Hollande, travaillera au côté de M. Kouchner au secrétariat d'Etat aux Affaires européennes. Nommé au poste taillé sur mesure de Haut commissaire aux solidarités actives, Martin Hirsch, président d'Emmaüs, dont il a démissionné aussitôt, complète la liste.
D'autres personnalités socialistes contactées n'ont soit pas donné suite, soit accepté une mission beaucoup moins compromettante qu'un ministère. Hubert Védrine, à qui Nicolas Sarkozy a proposé le Quai d'Orsay, devrait se voir confier une mission internationale. Claude Allègre a lui aussi fait savoir qu'il accepterait "sans hésitation" une mission pour réformer l'université et la recherche.
L'ouverture est en revanche beaucoup plus réduite du côté des anciens amis de François Bayrou. Hervé Morin, nouveau ministre de la Défense, sera le seul représentant des 25 députés UDF ralliés à Nicolas Sarkozy. Maurice Leroy, qui espérait le ministère de l'Agriculture, reste à la porte du gouvernement.
Ces nominations, qui rappellent les débauchages individuels opérés par François Mitterrand après la présidentielle de 1988, ont en tout cas irrité au plus haut point un PS déjà sonné par la défaite de sa candidate le 6 mai.
Les socialistes notaient jeudi que l'ouverture était limitée à quelques personnalités et qu'elles allaient exercer leurs fonctions dans des domaines réservés du président de la République, Affaires étrangères et Défense. "On nous met Kouchner, on nous met deux ou trois personnalités comme ça. Mais la réalité du pouvoir est concentrée dans les mains de l'Etat RPR", a estimé Julien Dray.
D'autres prédisaient à l'ouverture façon Sarkozy le même sort que celle de François Mitterrand. "Vous verrez, ça ne durera pas", a prédit Pierre Moscovici. source : AP |